Le JARDIN, la pomme et l'oiseau
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LE HASARD réunit un jour, dans une contrée aride, sur un chemin de pierre, cinq hommes ; cinq hommes en voyage :
Un philosophe,
Un prêtre,
Un paysan,
Un marchand,
Et un poète.
Ils décidèrent de faire route ensemble.La contrée était infestée de brigands.
La décision était dictée par la prudence.
En ce temps-là, on préférait voyager à plusieurs, unir les ressources des uns et des autres.
Après avoir dormi au bord du chemin, ils se levèrent avec le soleil.
Ils prirent un repas frugal et partirent en direction de l’orient.
Chacun était perdu dans ses pensées, préoccupations ou rêveries.
Le soleil frappait fort ; et l’eau, comme les provisions de bouche devinrent rares, au fil des jours. Le cinquième jour, au détour du chemin, apparut un arbre, puis un jardin …mystérieux et luxuriant.
Il n’y avait personne alentours, ni aucune demeure.
Le marchand poussa le portique et invita ses compagnons à suivre son exemple.
Ils pénétrèrent dans le Jardin.
Des arbres, des pommiers immenses, offraient leur ombre complice ;
Une herbe fraîche,
Des roses au parfum enivrant, des roses rouges,
Au centre du jardin, une fontaine d’eau claire ,
Voilà ce qui s’offrait aux voyageurs.
Les hommes se désaltérèrent, l’eau était fraîche et fruitée.
Ils cueillirent des pommes, une saveur acide et douce réjouit leur palais.
Épuisés, ils s’étendirent sur l’herbe verte, fermèrent les yeux ; un instant magique.
Alors, oubliant le murmure de la fontaine, ils entendirent un chant d’oiseau, un chant dont la pureté les transporta
Dans ce jardin mystérieux, tous les sens de ces hommes étaient heureusement surpris et comblés.
Le paysan dit :
-c’est un paradis terrestre !on pourrait y faire pousser n’importe quoi
Le marchand dit :
-incroyable, ce jardin en plein désert…On pourrait créer autour une ville merveilleuse.
Le prêtre dit :
-le chant de cet oiseau, comme ce jardin, est le souffle de la créature répondant au souffle créateur …
Le philosophe prit une pomme, l’ouvrit par le milieu et dit
-regardez, un pentagramme, le symbole du savoir …
Le poète prit son luth , et récita :
« Elle est un jardin bien clos, une source scellée,
ma sœur, ma fiancée ;
source qui féconde les jardins ,fruits d’eau vive ,
ruisseau dévalant du Liban.
J’entre dans mon jardin,je récolte ma myrrhe et mon baume ;
Je mange mon miel et mon rayon ; je bois mon vin et mon lait ……
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Nos voyageurs jouirent des plaisirs offerts par le jardin ; tant et si bien qu’ils restèrent
Prisonniers de leur plaisir, ignorant leur état de prisonnier.
Les jours passèrent ;les mois passèrent …
Le philosophe disait :
Je voudrais échanger des idées, parler à un homme sage frotter mon esprit à un autre esprit
Le prêtre disait :
Mes fidèles m’attendent ; ils doivent se sentir comme des brebis égarées
Le paysan disait :
Je dois labourer et semer et moissonner, c’est ma vie
Le marchand disait :
Je veux acheter des produits rares, et les vendre, vendre et acheter
Le poète disait :
Ma dame, quelque part en ce monde, rêve de moi, rêve et m’attend, je l’entend qui rêve
Mais le Charme persistait
Ils ne pouvaient partir, quitter ces lieux ensorcelés ; ils étaient liés, attachés cloués .
Un jour d'automne apparut une vieille femme :
-Vous êtes là enchaînés par vos plaisirs , si vous voulez parir ,il vous faudra me donner
un de vos sens
-Qui es-tu ,femme ,pourquoi te croirions nous ,s'écria le marchand .
,
-Je connais vos histoires, vos cheminements, vos fuites,
Vos erreurs. Le mal que vous avez pu faire à vos proches,
Pour satisfaire votre passion…demandez, je répondrai à chacun.
Les hommes se regardèrent les uns les autres, gênés,
Puis baissèrent la tête.
-c’est vrai, dit le poète, j’ai blessé un être innocent,
L’amour de l’art m’a aveuglé, je le reconnais ;
Mais tous ces hommes sont ils condamnables ?
-Ils ont, comme toi, des secrets …
Mais nul ne s’est livré ;
Nul ne peut donc être délivré,
Sans donner une part de lui-même. J’ai dit …
-Le paradis et l’enfer se touchent, dit le prêtre
Le commerçant lui, leva les bras au ciel :
-Si nous n’avons pas d’autres choix, autant en finir
Mais j’hésite …
-Moi, j’hésite aussi, dit le paysan,
Le philosophe, perplexe, murmurait :
-moi, moi…qui tend à être pur esprit, , je laisse l’ouie
Peu importe le bruit du monde …
-Le prêtre, lui, méditait
-le toucher m’indiffère .je me suis voué à la divinité.
…
Le poète se montra désemparé :
-je…, je ne sais pas … je ne saurai quel sens te donner .
Sans eux,la vie ne vaut d’être vécue …
Prends ma vie, si tu le souhaites ;
, prends ma vie, mais laisse-moi mon âme.
La vieille femme se changea alors en un une jeune et belle femme …
Sourit au poète :
De vous cinq , hommes que le Destin a rassemblés,
Tu es le plus innocent ,pour toi ,je fais grâce à tes compagnons .
Les hommes se retrouvèrent dans un caravansérail .
Ils se dirent adieu ,un petit signe de la tête ;
et chacun prit son chemin .